Lendemain qui grince
Je ne suis pas une politicienne, je ne suis pas une militante, je ne suis pas une partisane.
Je suis une femme, qui aime son voisin.
Et heureusement que je n'attends rien en retour parce que lui, visiblement, il ne m'aime pas.
Il préfère que dans son pays il n'y ait que des gens de la même couleur que lui, et il déteste le changement.
Il n'est pas tolérant, il est haineux, il est égoïste (tiens tiens) et il veut tout garder pour lui, ne rien partager, ne rien donner aux gens qui le lui demandent, parce qu'ils sont étrangers, et que dans son pays, c'est mieux quand même de ne pas l'être.
Il pense que son pays a été trop généreux avec les immigrés, qu'il faut arrêter de donner quand ses compatriotes (j'ai bien écrit ce mot) meurent de faim, alors qu'il n'en a rien à foutre de ses compatriotes, m'enfin ça c'est un détail.
Il aime danser dans des bals à Vienne avec des anciens fascistes, vous savez, ceux qui ont déportés des gens qu'ils affublaient d'une étoile parce qu'ils avaient l'audace d'être juifs, frisés, homosexuels ou tziganes.
Oui, c'est sûr, hier j'aimais mon voisin.
Et sa femme aussi, je l'aimais.
Elle est mère au foyer, et elle aimerait bien y rester et être payée pour ça, parce que c'est un vrai métier et que tout métier mérite salaire.
Elle dit à ses enfants qu'ils sont plus beaux et plus intelligents que les autres, c'est une mère évidemment, mais elle dit aussi qu'ils sont comme ça parce qu'ils sont français.
Eux, avant, je les trouvais sympas, un peu spéciaux, mais finalement, je ne connaissais pas le fond de leur pensée.
C'est vrai qu'ils regardaient du coin de l'oeil mes grands parents, ma grand mère met un foulard sur la tête pour se protéger du froid, et fait de grands gestes quand elle parle en italien.
C'est vrai qu'ils pensent qu'on est des ritals, mais c'est dans la vie courante finalement, ça passe comme une lettre à la poste.
Alors finalement, on a voté hier.
Mes grands parents ont une carte d'identité maintenant. Ils ont le droit de vote en France, même s'ils sont nés en Italie.
Mais pas aux Présidentielles.
Ils avaient une carte de séjour avant. Ils ont de la chance, grâce à l'Europe on les admet.
Y en a qu'on tolère juste. Ils ont pas le droit de voter, et s'ils sont pas contents, ils n'ont qu'à se casser.
"il était un pays qu'on citait en exemple, on disait droits de l'homme égalité des chances, il était une fois, mon beau pays de France"
Bon, hier, on a voté.
Mes grands parents, ils ont connu la guerre, ils ont eu faim, froid, ils ont bossé dur, ils ont établi leur famille, leur logement, payé des impôts en France, mon grand père était mineur de fond, il a laissé ses poumons dans la fosse.
Mais il n'a pas le droit de vote aux présidentielles.
Et les grands parents de mes copains, les polonais, les tunisiens, les marocains, les algériens,les africains et bien sûr les italiens, non plus.
Ils vont subir.
Alors, mon père, mon frère, mes oncles et mes cousins, on vote.
Hier, on était contents. Mais notre contentement a été de courte durée.
Nos voisins ne nous aiment pas.
Et on n'a rien fait pour ça.
On est juste différents.
Et moi je croyais que c'était une qualité.
Pour 18% des gens, pour mes voisins, visiblement, c'est gênant.
Tant pis, j'espère encore que pour mes futurs enfants, un jour, mes voisins nous regarderont comme des gens normaux, et qu'ils comprendront qu'on les a dressés contre nous, pour faire régner la terreur.
J'ai le droit de rêver.
Commentaires
Ma grand mère doit faire des bons là haut -_-
Par contre j'aime toujours Saez