Femme Sandwich
J'ai longtemps attiré les gens étranges, les bizarres, les éberlués qui parlent tous seuls, les caisses qui présentent un problème technique, les dérangés, les mecs bourrés, et si au départ je me demandais pourquoi, j'ai fini par en faire une fatalité.
Mais j'ai compris, récemment, d'où venait le problème.
Tout dépend de nous, de notre comportement, de ce que nous autorisons aux autres de dire et faire avec nous.
Notre tolérance, notre degré d'abnégation, notre capacité à accepter et surtout le niveau?
Où se situe la ligne jaune?La frontière?A quel seuil commençons nous à trouver que l'autre abuse de notre confiance, de notre naïveté?
Je ne saurai vous dire où se situe la vôtre puisque je viens seulement de comprendre trés récemment où se trouvait la mienne.
Mais en pratique, ça commence à changer un peu.
Depuis que j'ai enlevé ma pancarte de femme sandwich, sur laquelle était écrit en grandes lettres capitales rouges fluo clignotantes "Allez y, servez vous, je suis naïve, confiante et gentille, profitez en", les relous ne viennent plus vers moi, ils me regardent mais comprennent que quelque chose a changé chez moi.
Depuis que j'ai enlevé cette pancarte, les vampires ne s'approchent plus, je les tiens en respect, je me sens différente, et la différence provient de la pancarte.
Nous sommes tous et toutes à notre manière, des hommes et des femmes-sandwichs.
Tout dépend de ce que nous montrons aux autres.
Parfois il faut dire "non", parfois, il faut recadrer le débat, parfois c'est nécessaire, même quand on est gentil, de montrer que gentil ne veut pas dire paillasson sur lequel on peut s'essuyer les pieds quand on est pris d'une envie de domination.
La révolte des gentils peut faire sourire, mais en tout état de cause, je suis loin d'être la douce naïve qu'on imagine, les coups dans le coeur, dans le cerveau et dans le dos, ne m'ont pas attendri.
Mais cette histoire de pancarte ça me trotte dans la tête depuis un moment.
Et je ne peux qu'admettre que cette pancarte a bel et bien existé.
Aujourd'hui, je fais tout pour ne pas la remettre, parce que je n'ai pas d'excuses, c'est bien moi qui l'avais sur le dos, comment est elle arrivée là, qui l'a posée sur mon dos, a t elle poussé toute seule?
Cela faisait partie de moi, et m'a conditionné, dans mon comportement, dans mes choix, dans mes valeurs, dans ce que je suis, et dans ce que je renvoyais aux autres.
Aujourd'hui, cette pancarte je l'ai cassée, brûlée, détruite, mais son souvenir est dans un coin de ma tête.
C'est un travail de tous les jours.
Parfois, une situation se répète et on finit par se persuader qu'elle n'est ni choquante, ni humiliante, ni exagérée.
Mais quand on finit par ouvrir les yeux, et qu'on accepte enfin de dire "non, mais vous entendez ce que vous dites, vous vous rendez compte des énormités, mais de quel droit?comment osez vous dire des choses pareilles?Qui êtes vous pour juger?Savez vous seulement de quoi ou de qui vous parlez?Avez vous un bon sens?", on rencontre parfois des résistances.
Ceux qui avaient le pouvoir veulent encore l'avoir et nous rabaissent en nous disant que nous perdons nos nerfs, que nous sommes déséquilibrés, que nous devrions nous rendre compte que nous avons beaucoup de chance, que quelqu'un s'intéresse à nous, que nous sommes des ingrats.
Stop.
Personne n'a le pouvoir sur nous.
Il est temps de reprendre le contrôle de nos vies et de mettre fin aux abus. Même ceux qui proviennent de gentilles personnes, qui sont sensées nous vouloir exclusivement du bien.
Mon père refusait que je porte des marques parce qu'il estimait que je n'étais pas le porte publicités des marques de sport ou de fringues, quand j'étais ado et que je bavais d'envie sur les doc Martins, les jean Ober et les nike.
Il m'a donc appris ceci: je ne suis le porte drapeau de personne.
Et vous non plus.
Oui, je me revendique bisounoursienne. C'est vrai.
Oui, j'aime l'humain et je fais tout ce que je peux pour lui venir en aide.
Mais non, ce n'est pas une raison pour qu'on confonde ma "bonté" avec une éventuelle "ingénuité".
Le moment est venu d'enlever nos pancartes.
Je vous embrasse.
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