ClichéRminator
Tout est parti d'une conversation complètement anodine qui n'avait aucun lien, ni de prés ni de loin avec un problème physique, un dimanche après midi, en famille.
Et soudain, cette phrase venue de nulle part, dite sur un ton, comment vous dire, le ton le plus naturel du monde, (je sais qu'utiliser le mot ton ici peut sembler fait exprès mais bon, que voulez vous, les gros ont de l'humour), une voix douce, une voix chaleureuse qui balance "mais, tu sais ma chérie,c'est peut être cruel, sûrement même, mais les hommes n'épousent que les minces."
Bon.
Je n'ai rien dit, parce que j'étais sciée.
Aucune réaction, aucune répartie n'est sortie de ma bouche, parce que rien n'est venu dans mon cerveau, rien sauf.....
La cantine du collège, classe de 5ème.
Nous devions former des tables de huit personnes et la personne en bout de table devait faire passer les plats délicieux concoctés par Paulette, un régal, je pèse mes mots.
J'étais une adolescente normale en 5ème, rien de particulier, sauf que par rapport à la plupart de mes copines, j'étais déjà formée, vous voyez ce que je veux dire, forcément j'avais beaucoup de succès, j'avais déjà de la poitrine, peu à 12 ans à peine, mais déjà un peu plus que les autres.
Et soudain, alors que nous étions à table et que je tentais de mâcher l'infâme truc qu'on osait appeler steak haché, mon voisin de table à l'autre bout me demande le plat.
Je lui fais donc passer le plat de purée, pour qu'il puisse se resservir. Jusque là tout va bien.
Et puis.....un petit con de la table d'en face, lance à voix haute dans ma direction "eh regardez la grosse là bas, elle a pas encore fini de manger qu'elle se ressert déjà".
Faux. Je ne me resservais pas. Faux, je n'étais pas grosse, comparée à sa connerie.
Mais le mal était fait. Toutes les tables se moquaient de moi.
Je me suis levée de table, me suis précipitée pleurer aux toilettes.
J'avais 12 ans.
Après.....oh après c'est passé, enfin, on a cru que c'était passé, le crétin en question a du s'excuser devant tout le monde, et a pris 2 heures de colle.
Mais au fond de moi ce n'était pas passé du tout.
J'ai commencé les régimes en 3ème. J'avais 14 ans.
Y a t il un lien ou pas je n'en sais rien mais en tous cas, ça a commencé à cette période là.
Ceux qui m'ont connu à cette époque vont sûrement être surpris, parce qu'à 14 ans, j'étais normale.
Pas mince, mais pas non plus boulotte, j'étais normale, je le sais, il y a des photos pour en témoigner.
Heureusement d'ailleurs, sinon j'aurai pu croire toute ma vie que j'ai toujours été ronde, que c'était maladif.
Bon, évidemment, l'absence de thyroïde, ça n'aide pas à maintenir un poids correct, mais peut être que la danse m'a aidée.
Le contexte familial non, ça c'est évident, mais la danse, et puis la musique, les choré dans ma chambre, et le sport à l'école.
Puis le lycée, succès auprès des garçons, j'ai suspendu ces conneries de régime. Jusqu'à la fac.
Aucun problème pour atteindre leur coeur, même si j'étais plus timide qu'aujourd'hui et que pour parler à un garçon il me fallait quatre ou cinq mois.
J'y ai rencontré mon 1er grand amour, personne ne se moquait de moi, personne ne me traitait de grosse, faut dire je ne l'étais pas plus qu'au collège....
Et puis.....la fac.
17 ans, j'étais plus jeune que les autres, et aussi moins sûre de moi et de ma capacité à m'en sortir.
Pourtant ça s'est bien passé aussi, même si mon corps entendait toujours dire, "t'aurais pas un peu forci?", "qu'est ce qu'il t'est arrivé", "si tu perdais quelques kilos tu serais tellement jolie", "quand je pense comme tu étais jolie avant"
En un été, le regard des autres avait il déjà changé?
J'aurai du savoir que c'était faux, que c'étaient des jaloux ou des peureux, ou des gens qui s'ennuyaient, ou encore qui se projetaient.
Mais chez moi aussi j'entendais ça, un jour, au détour d'un pantalon couleur caramel j'ai entendu "mais tu ne vas pas mettre ça, tes jambes, on dirait des poteaux", "les gens se moquent de toi, ils te regardent et rigolent, non mais sois sérieuse, portes du noir, pas du caramel"
Et hop, passes de la taille 40 à la taille 36 en arrêtant de t'alimenter.
Mon amie Leila s'en souvient, elle venait me forcer à manger, je n'y pouvais rien, la puberté, les hormones, ça m'avait sculpté un corps de déesse. (grecque antique certes mais bon)
Les peurs de ma famille ont dépassé les miennes.
Celles d'être moquée, rejetée, ont été dépassées parce que j'étais fragile, à la fac de droit, je voulais accomplir une prophétie, une promesse, celle de devenir un grand avocat, mais en étais je capable?
Je commençais à partir dans tous les sens, maigrir, gonfler, grossir, maigrir, gonfler, grossir.
Je perdais 10 kilos, et en reprenais 15 , j'ai tout essayé, tous les régimes à la mode dans les années 90-2000.
Tout pourvu que ma famille, et les gens me trouvent assez jolie, assez mince, assez présentable, assez regardable, assez....Acceptable.
Puis le choc, en boite, un beau garçon au Bar me regarde avec insistance pendant toute la soirée.
Je finis par aller vers lui pour engager la conversation......"Pardon?moi je t'ai regardée toi?nan mais tu t'es vue?"
Non. Je n'ai rien dit. Je n'ai rien trouvé à dire à ça. Non plus.
Ils avaient donc raison?
Alors j'ai repris un régime, je me suis lassée, puis un autre, j'ai craqué. Puis un autre.
En parallèle, réussir tes examens, travailler pour gagner de l'argent pour sortir comme tout le monde, pour avoir la même vie d'étudiant qu'eux.
Le célibat, comme une immense tache a pris possession de moi en 2002, comme pour conforter cette phrase "les hommes n'aiment pas les rondes, c'est comme ça ma vieille faut t'y faire".
C'est con. Mais quand on est sous pression, on croit à des trucs cons.
Un autre choc, école des avocats, mariage d'une de mes meilleures amies.
Je vois une photo de son mariage et je suis anéantie.
Je vais voir mon médecin une semaine après, pour entamer un régime, un sérieux, le 15ème au moins mais celui qui m'aidera pour de vrai.
On s'y met d'arrache pied, et pendant mon examen du CAPA, régime intensif, sport à haute dose, la totale, en un mois, 10 kilos s'envolent, jusqu'à descendre à 18 en quelques mois de plus.
Je suis métamorphosée, je réussis mon examen, je suis amincie, tout est super, et tout le monde me dit, "ah enfin, là tu es bien, plus que 5 kilos et tu seras au top".
Ok. Prends toi ça.
Mais rien de grave, tout est normal, je reprends confiance en moi, j'arrive à répondre aux avances des hommes je me dis, ça y est, la période de célibat va se terminer.....
Mais j'ai commencé à exercer.
Le stress, la concurrence, la dureté, l'insupportable anxiété. Plus 5, Plus 10, Plus 15 , Plus 20.
J'ai tout repris.
Sans m'en rendre compte, mon corps a construit une forteresse. Pour parer aux coups les plus durs de ce métier qui finalement me fait plus de mal que de bien, même si je l'aime et qu'il est merveilleux sur bien des plans.
Il me fait mal.
Et mon corps me défend.
Quand je m'en éloigne, je perds du poids, en vacances, loin de tout.
Et quand je reviens je reprends tout, comme si j'endossais une cuirasse de graisse pour ne plus rien sentir.
Au fond je sais que ce n'est pas mon corps, mais je l'ai abimé, j'ai abimé mon corps avec des discours et des clichés, j'étais perdue et j'ai fait confiance à ce qui me servait de repère, les autres.
Famille, entourage, tout le monde y va de son conseil, mais le plus important, n'est ce pas que je sois heureuse?
Ah et aujourd'hui, les rondes sont à la mode.
Retour à l'authenticité, les rondes sont en couverture de magazine, les rondes sont prises en exemple; les rondes font vendre et font du chiffre.
C'est cool.
Mais on s'en fiche non?
L'important, fine, ronde, mince, grande, petite, c'est d'être bien dans sa peau, de s'aimer.
Je n'aime pas le mot "s'assumer" parce que ça veut dire que d'être soi c'est lourd.
Non, l'important, c'est de s'aimer, d'être heureux, de distiller de l'amour, d'être authentique, d'être soi.
De faire tomber les barrières, les forteresses, les clichés, les discours à la con, les peurs des autres.
Voilà ce qui est important.
Alors sous prétexte que je suis un peu ronde je ne devrai porter que du noir? Moi qui adore les couleurs, qui suis pétillante de vie?
On délire!
Alors voilà.
Tout ça j'aurai eu envie de le dire, ce dimanche après midi, en famille, quand cette douce phrase m'est arrivée dans le visage, l'air de rien.
Il existe mille façons de se sentir bien.
Me faire confiance serait déjà un début, mais là, il faudrait me laisser faire.
Le petit con de la cantine, les remarques blessantes, les coups dans la tronche et dans le coeur, basta cosi.
Je suis une femme, pas un robot, donc forcément pour faire le tour de la question il va falloir du temps, et tant mieux.
Et si pour faire des enfants, je dois faire un régime et perdre 30 kilos (c'est la suite de la phrase du dimanche) c'est mon médecin, en temps voulu et personne d'autre qui devra en juger.
Les hommes aiment les femmes qui s'aiment.
Peu importe leur poids sur la balance.
Qu'on me compare à Valérie Damidot ou à Luce de la Nouvelle Star, ne me dérange pas, tant que c'est pour notre côté pétillant et vif qu'on le dit.
Et je le prends du bon côté. Sinon, j'attaque.
Je ne suis plus en 5ème.
Je suis Clichérminator.
Hommes, Femmes, ados, jeunes gens, qui venez de lire cet article, apprenez à vous aimer.
Mangez, régalez vous, vivez, soyez heureux.
N'écoutez pas les sirènes hurlantes qui vous font peur et mal en même temps.
Le reste viendra de soi.
On récolte ce que l'on s'aime.
ps: j'ai fait un gâteau au yaourt. Les ronds ont de l'humour:)
ps 2: y a de la musique dans le titre!
Commentaires
you are beautiful in every single way
Love
Vous écrivez bien !!!! ça pourrait plaire à beaucoup de monde