Ma Référence.

Celui dont je veux vous parler aujourd'hui, c'est plus qu'un homme, c'est un personnage.

Un homme qui parle, avec les mains, qui a le verbe haut, le regard doux et en même temps, une certaine forme de force et de conviction.....

Un homme qui se bat pour des causes, qui enjolive la réalité parfois sans doute pour l'embellir, qui a une générosité parfois insouciante, tout en étant prévoyant.

Cet homme, je l'ai craint quelques années, quand j'étais petite, adolescente, puis jeune femme.

Je l'ai craint, parce qu'il en imposait, et que je ne voulais pour rien au monde le décevoir.

J'essayais toujours de faire de mon mieux, d'être forte, courageuse, digne du regard qu'il portait sur moi.

Et comme je ne voulais pas le décevoir, parce qu'il représentait tout pour moi, dans un contexte familial compliqué, je ne voulais pas perdre ma famille, qu'il était à lui tout seul.

Et puis j'ai grandi avec cette protection, cette "emprise" sans doute due au rôle, je me suis toujours représentée notre rapport comme moi toute petite face à lui, ombre géante, et finalement, avec le temps, oui  j'ai grandi.

Il s'est donné du mal pour m'avoir prés de lui, et si on me posait la question, de savoir ce qu'il me doit, je répondrai que je lui dois sans doute plus, même si finalement, ce n'est pas un devoir, c'est la vie.

Il est vrai, qu'une protection de ce genre, ça peut impressionner, et qu'au final, quand on prend son envol, on pense qu'on pourra vivre sans, facilement, mieux même.

Puis en grandissant, on aimerait que quelqu'un nous emporte vers un autre tempo, être rassuré, être pris sous une aile, être réconforté, être drivé un peu.

Mais au contraire, on a toujours montré qu'on y arriverait seul. Qu'on était capable.

Qui voudrait aider quelqu'un dont on pense qu'il est suffisamment fort sans nous?

C'est un dilemme. Ce n'est pas évident.. 

Et c'est en regardant, ce Monsieur si solide, que je me suis posée ces questions.

Il a l'air d'un roc, il a l'air suffisamment fort, et il m'a un peu, façonnée à son image, à un âge où l'on est encore façonnable.

Et aujourd'hui, alors qu'il semble pouvoir se suffire à lui même, je sens cette fragilité, palpable, surtout ces derniers temps, perceptible pour les initiés à la souffrance ou les habitués des sentiments.

Les années passent, et l'angoisse de nombreux d'entre nous est celle de la solitude, celle du désert affectif, celle de la difficile avance de la vie sur nous.

Alors il nous reste la santé, c'est ce que disent les gens de son âge, tant qu'il y a la santé....santé fragilisée par des combats humains, qui n'ont pas trouvé d'écho parfois, chez certains dirigeants, qui à force de combattre, s'est abîmée, et qui restera marquée de cette expérience.

Mais lui, ce roc, a t il des émotions?quand ressent il des choses?quand les exprime t il et à qui?

Ce n'est pas simple au fond, de savoir percer à jour des carapaces comme celle ci.

Ces gens dont je suis, qui rient, quand ils voudraient pleurer, qui pleurent quand s'éteignent les projecteurs de la vie en société.

Non décidément, sonder le cœur, même avec une sensibilité comme la mienne, à fleur de peau, ce n'est pas évident.

Alors je le regarde, parler avec les mains, enchaîner les calembours, inventer des histoires, faire le show, serrer des mains, discuter, s'enflammer, s'exalter, s'indigner, composer....avec humour, avec le charme à l'italienne, avec diplomatie.

Vous remarquerez, qu'en présence d'autres trublions, ceux qui le sont d'habitude, s'effacent, spontanément et naturellement pour laisser les plus forts s'exprimer.

Je le regarde et je ne peux m'empêcher de penser, est il un personnage, est il un héros de dessin animé?

Fait il "comme si" pour se voiler la face, se donne t il une contenance, afin d'échapper à la dure réalité?

Je ne sais pas si j'ai tort ou raison, je sais juste que quand il est là, j'ai l'impression que le monde peut s'écrouler mais que je m'en sortirai  toujours.

Et peu sont les gens (deux en fait) avec qui je ressens ce genre de sentiment.

Il en rajoute toujours un peu, il se protège en paraissant parfois indifférent, il se cache pour souffrir dans un silence religieux, mais il est finalement, un homme.

Cet homme là, cet Arlequin, ce personnage intemporel et haut en couleur, j'ai la chance de porter son nom.

A la guitare, en meeting, aux commandes de sa vie, il ne s'avouera jamais vaincu, donnera toujours l'impression qu'il maîtrise absolument, qu'il a raison, qu'il est là.

Je n'ai pas toujours été d'accord, je me suis confrontée à lui, je l'ai pourtant toujours respecté, parce qu'il était la référence.

Jusqu'à ce qu'il tire sa révérence, et même après, le plus loin soit il, il sera toujours, ce roc impénétrable, une référence.

Mon père, préféré et unique.

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