Mère Grand......Nonna quoi.
Quel vaste sujet.
Ma Grand mère, est pourtant un sujet intéressant de réflexions.
Je l'aime beaucoup, même s'il m'est difficile de la comprendre, de suivre ses raisonnements, de supporter ses défauts, son absence de jugeote parfois, son manque de tact.
Ma Mère Grand est née en 1931. Rendez vous compte!50 ans avant moi.
C'est donc sans doute normal que l'on ne puisse pas se comprendre.
En Calabre de surcroît, et elle en a gardé certaines traces indélébiles. Elle a du aller à l'école quelques années, juste assez pour savoir lire et écrire.
Mais surtout compter.
Et elle a du compter ma grand mère, compter l'argent de la quinzaine pour donner à manger à ses enfants, compter les heures en attendant mon grand père, les soirs de beuverie, compter les coups, les soirs d'intempérie conjugale, compter les infidélités....
Mais même si elle s'est souvent plainte, elle est restée. Soixante ans avec mon grand père.Et ils sont toujours mariés.
Je ne comprends pas forcément, comment l'on peut rester tant de temps, quand notre couple n'en est pas vraiment un, quand notre mari nous trompe à tour de bras, quand on reçoit des coups, comment peut on rester.?
D'où tire t on le courage de rester?
Comment peut on venir rejoindre ce mari, à plus de 2500 kilomètres de notre famille, de nos amis, dans un pays que l'on ne connaît pas, dont on ne connaît ni la langue, ni les habitants, quitter le soleil, la mer, les collines verdoyantes, où l'on avait faim certes, mais pour trouver quoi en échange?
Un pays froid, une région minière, des anciens camps de prisonnier où l'on vit tous dans une seule pièce.
Qui peut se targuer aujourd'hui de tels exploits?
Ma grand mère savait à peine lire et écrire en Italien, voilà qu'elle a dû, deux enfants sous le bras, âgés de deux ans et dix huit mois, apprendre à communiquer en chtimi, apprendre à se faire respecter, tout en élevant ses enfants, et en recevant en échange moins d'amour que de violence.
Quelle femme accepterait cela aujourd'hui?
Alors je conçois qu'elle soit amère aujourd'hui, à 80 ans passés, de n'avoir pas eu la vie qu'elle voulait vivre, n'avoir pas pu épouser celui qu'elle aimait, quand mon grand père s'est présenté à la porte de chez son père, celui qui se targuait de se promener sur la place du village un pistolet à la ceinture....pour quelques terres, le mariage s'est conclu.
A peine mariés, mon grand père s'est embarqué dans la recherche de la Mine d'Or à Lewarde.
Je conçois qu'elle ne sache pas ce qu'est l'amour, que son cœur soit sec, qu'elle soit très peu affectueuse, avenante, démonstratrive.
Je comprends, même si c'est très compliqué pour nous, enfants et petits enfants, de la suivre dans ses raisonnements qui n'en sont pas.
Elle ne sait tellement pas verbaliser ses sentiments qu'elle ne reste pas assise deux minutes quand nous venons lui rendre visite, elle cherche quelque chose à nous donner, des légumes, des fruits, des chocolats, un café, un thé, un cappuccino? un jus de fruit peut être?
Elle n'arrête pas.
Déjà opérée plusieurs fois, plusieurs séjours longue ou moyenne durée en hôpital, elle est pourtant résistante, droite dans ses bottes, mais trés encline à se plaindre.
Comme je la comprends. Elle n'a passé sa vie qu'à faire cela, mais pas chez elle, dehors, chez les gens, chez ses amis, jamais devant son mari, qui s'avérait être plus son maître que son amoureux, l'homme de sa vie.
Aujourd'hui, ils sont là. Tous les deux, et juste eux deux.
Ma grand mère prend sa revanche, elle commande aujourd'hui, elle ne laisse pas de répit à mon grand père, elle a toujours le dernier mot, elle devient impatiente, irascible, bref, elle vieillit mal.
Comment lui en vouloir cela dit. Avec tout ce qu'elle a vu!
Mais quelle vie....Aucune satisfaction, aucun plaisir, aucun voyage, aucune sortie.
Elle a bien reçu des gens chez elle, préparé des pizzas pour le club des italiens, mais quand a t elle été heureuse?
Je la trouve tellement courageuse, mais en même temps, on ne peut pas se comprendre.
On ne peut pas se parler, plus d'une demi heure.
C'est le temps moyen, où tout peut bien se passer. Après, il est trop tard. La phrase de trop, la remarque de trop, le manque de tact et de délicatesse assuré.
Il faut partir avant.
Pourtant, elle m'a élevée et c'est en cela que je l'aime et lui pardonne son ignorance.
Elle pourrait être plus douce, moins dure, moins rurale, moins rustre, plus gentille, plus aimante....mais elle ne serait plus elle.
Elle vieillit et n'est pas éternelle, mais elle demeure celle qu'elle a été quand elle est arrivée en France, l'évolution de son caractère n'est pas allé en s’améliorant;
Comment réagirions nous?
Aurions nous envie de finir notre vie ainsi, risquant de ne plus voir personne, car toutes les personnes que nous croisons, nous les faisons fuir à coups de réactions démesurées ou de petites phrases assassines?
Aurons nous envie de maltraiter celui qui partage notre vie depuis 60 ans, et qui nous a fait souffrir, nous a pourtant accompagné, et jusqu'à aujourd'hui reste notre seul et unique partenaire de vie, notre compagnon, notre bâton de vieillesse?
Ou bien, voudrions nous simplement finir notre vie, simplement, calmement, entourés, choyés par nos enfants, petits enfants, arrières petits enfants?
La sagesse s'acquiert elle après toutes ces épreuves de vie?Comment comprendre celle qui a représenté et représente toujours un modèle de courage, mais aussi une personne qui parfois nous est étrangère tant peu d'amour semble se dégager d'elle.
Ceci est une façade, ma grand mère est une femme qui sait ce que veut dire l'amour, elle se ment à elle même en faisant semblant de ne pas savoir.
Elle a une belle famille, mais ne sait pas du tout s'en occuper, elle a des petits enfants et arrières petits enfants, mais ne sait leur démontrer de l'amour qu'en les nourrissant.
C'est vrai, la comprendre est très peu facile.
J'ai fait des études, m'intéresse à la vie, aux gens, aux humains, avec des valeurs de tolérance et d'acceptation de la différence, parce que justement j'étais issue de l'immigration, grâce à elle.
J'aime les gens, j'espère me marier, avoir des enfants.
Rien ne nous rapproche, absolument rien.
Je le regrette, j'aurai préféré qu'il en soit autrement. Que ma grand mère m'apprenne des choses, autres que faire du pain, parce que le "bravo girl" que j'avais acheté à 14 ans, coûtait le même prix que le kilo de farine, m'apprenne autre chose que repriser des chaussettes sur des bouteilles de bière, j'aurai voulu qu'elle m'apprenne avec gourmandise, la vie, la vraie, faire des confitures, des pizzas et des pâtes, mais avec enthousiasme, que rester avec elle soit du bonheur, du plaisir, de l'échange, de l'amour.
Mais ça n'a pas été le cas, et j'ai été la mieux lotie de mes cousins et cousines. C'est dire.
Ma grand mère, c'est ma colombe, c'est mon liet motiv, je ne pense qu'à elle quand je me bats pour la liberté, pour l'indépendance, pour le droit d'être une femme, libre et heureuse.
Je ne pense qu'à elle pour ne pas vivre la même destinée. Pour ne pas devenir aigrie, pour ne jamais lire de tristesse dans mes yeux, pour vivre épanouie.
Je voudrais lui dire toutes ces choses, mais elle dit que ce sont "des manières", je voudrai lui dire que je l'aime, mais je ne peux pas aller aussi loin dans mon expression des sentiments.
Elle doit être pudique, elle doit être inconsciente de son malheur, ou peut être se complait elle dans cette vie là, celle qu'elle n'a pas choisi, celle qu'elle a subi.
Je ne suis pas et ne voudrai pas devenir comme cela.
Je la comprends dans le fond, mais je ne veux pas me souvenir d'elle comme cela.
J'aimerai qu'il en soit autrement. Tellement.
Ma grand mère, ma nonna quoi.
e
Commentaires
Encore un bel article, un beau billet d'humeur ma Laura. Une écrivaine est née?!...
j'aurai souhaité tellement mieux pour eux, une belle vie, du bonheur....
Merci en tous cas, ça me va droit au coeur:)
Bisous!!!!!
ps; pr l'écrivaine, j'en rêve!:)